5 PREUVES QUE LA FINANCE EST DEVENUE FOLLE

Publié le 12 Février 2015

5 PREUVES QUE LA FINANCE EST DEVENUE FOLLE

Entre les révélations du scandale Swissleaks et les sorties des films «Le Prix à payer» et «L'Enquête», les temps sont rudes pour les banques. Un «Livre noir des banques», publié par l'association Attac et le site d'information «Basta!», vient enfoncer le clou. Avec deux des auteurs de cette implacable démonstration, Paris Match dresse un inventaire des pires tendances de la finance moderne.

Le réquisitoire est implacable : en 371 pages, «Le Livre noir des banques» (éd. Les Liens qui libèrent) répertorie les pires excès de la finance depuis la crise de 2008. L'inventaire dressé par l'association alter-mondialiste Attac et le site d'information «Basta!» est d'autant plus édifiant qu'il porte principalement sur la période qui a suivi l'effondrement de la banque Lehman Brothers. Les promesses de régulation et les engagements pris par les gouvernements n'ont pas empêché les banques de persévérer dans des pratiques nuisibles à l'économie, dénoncent les auteurs. Solidement argumenté, l'ouvrage s'appuie à la fois sur une vaste documentation, sur des travaux d'économistes et sur des entretiens menés auprès de différents acteurs. Dominique Plihon, économiste et président du conseil scientifique d'Attac, et Agnès Rousseaux, journaliste à «Basta!», reviennent pour Paris Match sur cinq des errements les plus caractéristiques des milieux financiers.

Les plus grandes banques -et les établissements français en particulier- tirent un profit insoupçonné de leur énorme taille. «Les banques sont tellement puissantes et tellement dangereuses que les marchés savent que ces banques seront secourues par les pouvoirs publics en cas de difficulté. Ils baissent les primes de risque», explique Dominique Plihon à Paris Match. Conséquence : les banques les plus grandes peuvent par exemple emprunter moins cher que les établissements qui ne sont pas jugés «too big to fail», «trop gros pour faire faillite». Cet avantage constitue, selon les auteurs du «Livre noir», une entorse à la concurrence. Cette «subvention implicite» a été calculée par le think tank britannique New Economic Foundation, qui l'évaluait en 2011 à près de 48 milliards d'euros pour les banques françaises. Cet avantage, soutient Dominique Plihon, devrait au moins être compensé par la fiscalité qui s'applique aux banques : «Ça n’est pas le cas !»

En 2009, la banque JP Morgan a loué pendant neuf mois un supertanker pour y stocker du fioul, ainsi que le rapportait à l'époque Bloomberg. Que peut bien faire une banque d'un de ces pétroliers géants? Pour pouvoir spéculer sur les marchés des matières premières, les banques sont parfois prêtes à investir dans des lieux de stockage ou même des bateaux. Cela permet par exemple de conserver une large quantité de pétrole quelques mois en prévision d'une hausse des cours. Les marchés des matières premières sont le théâtre d'échanges qui ne correspondent pas, dans leur immense majorité, à une transaction entre un producteur et un acheteur. Le pétrole, le blé ou le café changent de mains dans le seul but de faire des paris sur l'évolution des prix. Le volume peut donner le vertige : par le jeu de la spéculation, l'équivalent de la production mondiale de blé a été échangé huit fois dans l'année 2010.

Pour les auteurs du «Livre noir», cette spéculation ajoute de l'instabilité sur les prix et peut conduire à des crises terribles. «Les conséquences sont faramineuses, la spéculation sur les matières premières a créé des famines», dénonce Agnès Rousseaux. «La spéculation, quand elle est raisonnable, apporte de la liquidité. Quand quelqu’un veut couvrir un risque, il faut que quelqu’un d’autre accepte de prendre le risque. Mais la spéculation a pris une telle ampleur qu’elle est devenue l’opération la plus importante», souligne Dominique Plihon.

Plus rien n'y échappe : il existe même un marché d'obligations liées à la survenance des catastrophes, les «cat bonds». En théorie, ces obligations fonctionnent comme une forme d'assurance contre certains risques catastrophiques. En cas de survenue du cataclysme -séisme, tornade, tsunami...- dans une période définie à l'avance, l'investisseur perd sa mise, qui revient à l'émetteur du «cat bond». Si la catastrophe ne se produit pas, l'investisseur récupère sa mise, plus les intérêts. Problème : avec le réchauffement climatique, la fréquence de certaines catastrophes augmente, faisant peser la menace d'une crise financière en plus des dégâts humains et matériels terribles.

Sur cette photo du 6 mai 2010, le krach éclair d'une vingtaine de minutes apparaît dans ce tableau qui restitue les opérations de la journée.© Lucas Jackson / Reuters

Le 6 mai 2010, un événement étrange se produit à Wall Street. En quelques minutes, le Dow Jones plonge de 600 points. Plus tard dans la journée, ces pertes sont effacées. Pendant des mois, les régulateurs ont tenté d'identifier les responsables de ce «flash crash». Le coupable : un algorithme qui s'est emballé en déclenchant en 20 minutes la vente massive de 4,1 milliards de dollars de contrats à termes, rapportait à l'époque le «New York Times». C'est ce qu'on appelle le trading à haute fréquence, dans lequel les transactions se concluent en une fraction de seconde.

«Les financiers sont des gens qui profitent d’écart de cours entre les différents produits ou entre les différentes places financières. Aujourd’hui, grâce aux progrès de l’informatique, on travaille à la vitesse de la lumière. Ils sont capables de détecter les écarts les plus infimes avec des algorithmes très puissants et d’essayer d’en tirer partie. Ils le font sur ce qu’on appelle l’"intraday", des centaines et des milliers d’allers-retours dans une même journée. Ce sont les machines qui font ce travail. A certains moments, ça s’emballe : l’algorithme est imparfait et on perd le contrôle de ce qu’on a créé», détaille Dominique Plihon. La course de vitesse est telle que les banques cherchent à s'installer toujours plus près des salles de marché, pour réduire le temps de latence et faire encore plus d'opérations. L'utilité du trading à haute fréquence pour l'économie est quasi-nulle, selon Dominique Plihon. «De plus, 95% des transactions effectuées sont annulées. C’est de la manipulation pure», déplore Agnès Rousseaux.

Les révélations du scandale Swissleaks par «Le Monde» ont montré jusqu'où était allée la banque HSBC pour aider ses clients à échapper au fisc, notamment grâce à des montages élaborés via des paradis fiscaux. La banque britannique n'est pas la seule à s'installer dans ces pays qui ont fait de l'absence de régulation leur principal attrait : plusieurs banques françaises y possèdent de nombreuses filiales. Et cette présence semble parfois relever du pur prétexte. «On s’est aperçu que BNP Paribas a une dizaine de filiales dans les Îles Caïman, mais aucun effectif. Les banques disent qu’elles sont actives aux Îles Caïman mais elles n’ont personne sur place : ce ne sont que des boîtes aux lettres, qui servent à faire du blanchiment ou de la défiscalisation», accuse Dominique Plihon.

Pour les auteurs du «Livre noir», les activités des grandes banques dans les paradis fiscaux en font les complices de l'optimisation et de l'évasion fiscales qui coûte si cher aux Etats. En France, le manque à gagner pour les finances publiques est estimé entre 30 et 36 milliards d'euros dans un rapport sénatorial de 2012. C'est plus que le budget de la Défense - 31,4 milliards d'euros.

En 2012, un scandale bancaire (de plus) a éclaté. Un système d'entente entre banques sur le Libor et l'Euribor, des taux de références qui s'appliquent aux prêts qu'effectuent les banques entre elles, a été dévoilé.

Invités chaque jour à indiquer le taux qu'ils offriraient aux autres banques, les traders s'entendaient pour manipuler les indices. Il leur suffisait d'un coup de fil pour se mettre d'accord sur le chiffre à déclarer, qui pesait ensuite sur le taux de référence. Selon les besoins des uns et des autres, le Libor et l'Euribor pouvaient être manipulés dans un sens ou dans l'autre. Pratique quand de nombreux produits financiers sont indexés sur ces taux.

Comment une telle manipulation a-t-elle été possible? Tout simplement parce que les taux sont calcules chaque jour d'après les déclarations des banques elles-mêmes et non en fonction de ce qui se passe réellement sur le marché. De nombreuses banques ont cédé à la tentation de tricher et ont été condamnées : Barclays, UBS, Société Générale, JP Morgan, Deutsche Bank, entre autres. «Dans l’idéologie dominante néo-libérale, on fait confiance aux acteurs du marché. C’est compter sans l’appât du gain et la collusion entre les acteurs», juge Dominique Plihon.

Source:http://www.parismatch.com/Actu/Economie/5-signes-que-la-finance-est-devenue-folle-707236

Rédigé par FO 3M SOA

Publié dans #DIVERS

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