DEMONSTRATION DE FORCE
La journée de grève et de manifestations a dépassé les pronostics les plus optimistes. Environ trois millions de salariés du privé et du public ont défilé jeudi dans tous le pays pour porter les
revendications sur le pouvoir d’achat et l’emploi.
Tous les éléments étaient réunis ce jeudi pour réussir la mobilisation interprofessionnelle…y compris la météo. C’est en effet sous un ciel radieux que des centaines de milliers de manifestants
ont défilé dans les quelque 200 cortèges organisés dans toute la France, à l’appel de l’ensemble des organisations syndicales (FO, CFDT, CFTC, CGC CGT, Solidaires, FSU, UNSA). Qu’ils émanent des
syndicats ou de la police, les chiffres diffusés font tous état d’une participation en nette hausse par rapport à la précédente journée nationale de revendications du 29 janvier. Au total, les
syndicats ont recensé environ 3 millions de manifestants dans le pays (contre 2,5 millions le 29 janvier. Selon le comptage de la police, ils étaient 1,2 million ce jeudi (contre un million le 29
janvier). Si en moyenne, la mobilisation a grossi de 25%, dans certains endroits elle a doublé, à l’instar de Compiègne (Oise) qui a vu manifester 10.000 personnes. Le millier de salariés de
Continental de Clairoix était venu là gonfler les rangs des manifestants. Malgré eux, ils sont devenus le symbole du dérèglement du capitalisme. Après avoir accepté de repasser aux 39 heures, ils
viennent d'apprendre de la direction allemande du groupe que leur site allait fermer en 2010 alors même que l’usine de Clairoix est rentable.
C’est la province qui avait fixé le tempo dès le matin avec comme leitmotiv la baisse du pouvoir d’achat des salaires et des retraites, l’augmentation du chômage et de la précarité ou la casse du
service public. «Unité des salariés pour ne pas payer la crise. Des mesures d'urgence pour l'emploi, les salaires, la protection sociale et les services publics», exigeait ainsi la banderole de
tête à Marseille derrière laquelle ont défilé pas moins de 320.000 salariés du privé et du public, selon les syndicats (soit 20.000 personnes de plus que le 29 janvier). Les syndicats ont
enregistré ensuite 110.000 personnes à Toulouse, 100.000 à Bordeaux, 75.000 à Nantes, 70.000 à Clermont-Ferrand, 60.000 à Grenoble ou 50.000 à Rouen et Montpellier. En Bretagne (Finistère, les
Côtes d'Armor Morbihan), les organisateurs ont revendiqué plus de 150.000 personnes, dont 40.000 à Rennes, (contre 103.000 le 29 janvier). «Y'en a assez de cette société! Les jeunes dans la
galère, les vieux dans la misère, ça ne peut plus durer!», «La crise c'est eux, la solution c'est nous» ou encore «Emplois supprimés, salaires bloqués, retraites comprimées, ça va péter!»,
scandaient les manifestants à Paris où s’est déroulé le cortège le plus imposant de la journée, avec 350.000 salariés, chômeurs, étudiants ou retraités qui ont du défiler sur deux itinéraires
différents pour pouvoir rejoindre le lieu d’arrivée de la manif sur la Place de la Nation.
Selon FO, cette véritable démonstration de force n’aurait pas été possible si les appels à la grève n’avaient pas été relayés dans les entreprises privées et dans la Fonction publique. Des
préavis de grève avaient été en effet déposés un peu partout dans le secteur public, notamment dans les transports en commun, au niveau national à la SNCF ou en province dans les réseaux urbains
de 90 villes. A France Télécom et à la Poste, les salariés étaient couverts par un préavis de tous les syndicats. Il en était de même à EDF où un appel à la grève avait été lancé par FO, la CGT,
la CFDT, la CFTC et la CGC. Dans l’Audiovisuel public, c’était silence radio ou presque à Radio France ou Radio France Internationale (RFI), les appels de grève de tous les syndicats étant là
particulièrement bien suivis. A Pôle emploi (ANPE et Assedic) et à l’AFPA (formation professionnelle), la grève a été lancée là aussi par l’ensemble les syndicats.
Dans le privé, des appels à la grève ont été recensé à Total, à Renault, Peugeot et Delphi ou Faurecia, deux équipementiers automobiles. Dans les Banques, tous les syndicats avaient sonné la
mobilisation générale pour l’emploi et les salaires. Des appels à la grève ont visé de la même manière d'autres grandes entreprises privées: Saint-Gobain, Auchan, Carrefour et Rhodia. Chez Valeo,
Caterpillar, Gemalto, Arcelor Mittal, Mercedes, Ascometal et Alstom Transport. Les syndicats des Commerciaux (FO, CFDT, CFTC, CGC, CGT) avaient, eux aussi, appelé à se mobiliser pour le
«développement de vrais emplois face à la précarité». Dans le monde informatique, des appels à cesser le travail ont touché IBM, Hewlett-Packard ou EDS. Dans les radios privées, ce sont les
journalistes de NRJ, Chérie FM et Nostalgie qui ont participé à des arrêts de travail pour exprimer, en particulier leurs craintes vis-à-vis de la réorganisation de l'information régionale. Dans
la presse écrite, aucun quotidien national ou régional ne devrait paraître vendredi après le mouvement de jeudi. Cette liste n’est bien évidemment pas exhaustive.
«Je me demande ce que le gouvernement attend pour répondre aux urgences sociales. Que la crise s’aggrave?», s’est interrogé Jean-Claude Mailly (FO). Selon lui, après cette nouvelle mobilisation
d’ampleur des salariés, les pouvoirs publics seraient bien inspirés d’apporter des réponses concrètes s’ils ne veulent pas être confrontés dans les semaines à venir à un durcissement des
conflits, notamment dans les entreprises qui profitent de la crise pour licencier ou bloquer les salaires. En clair, l’exécutif ne pourra pas rester très longtemps «droit dans ses bottes». Les
suites du 19 mars seront décidées vendredi matin après une nouvelle réunion de tous les syndicats.
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